L’épopée (partie 1) n’est pas une figure de style qui personnifie des éléments non vivants (et non, voir article précédent) !!!

Publié le par Manuel Soufflard

                                                                                        

L
'épopée est un long poème d'envergure nationale narrant les exploits historiques ou mythiques d‘un héros ou d‘un peuple. Le mot lui-même est issu du grec ancien epopoiia (de epos, le récit ou les paroles d'un chant, et poiein, faire, créer) et désigne "l'action de faire un récit"evazl

 

On parle également de tonalité épique, ou de registre épique, pour des œuvres non poétiques, ou des poèmes brefs dont le style et la thématique sont proches de l'épopée

 

L'épopée se rattache originellement à une tradition orale, retranscrite, le plus souvent en vers, afin d'être perpétuée. Historiquement, de nombreuses épopées ont en effet été transmises de génération en génération, sous forme orale, par des conteurs, des bardes, des troubadours, des aèdes itinérants.

 

Elles étaient certainement dites ou psalmodiées sur une musique monocorde, parfois chantées. Par la suite, elle relève davantage d'un travail littéraire, au point de n'en plus devenir l'œuvre que d'un seul auteur, qui continuera cependant le plus souvent à rechercher l’imitation de leur oralité. On peut ainsi distinguer épopées primaires et épopées secondaires, également dites épopées littéraires.

 

En Occident, la difficulté de composition liée à la longueur du genre, aussi bien au niveau du manuscrit que de l'action, a amené certains théoriciens de la littérature à formuler, sous les influences d'Aristote puis d'Horace, plusieurs contraintes, notamment en ce qui concerne l'unité d'action, sans laquelle le lecteur serait vite perdu.

 

Ainsi, l'œuvre doit présenter, selon le mot d'Aristote : «une action unique, entière et complète, ayant un commencement, un milieu et une fin, pour que, semblable à un animal unique et entier, elle cause un plaisir qui lui soit propre.»

 

Puisant ses sources dans l'Histoire, l'épopée s'en distingue notamment par le souci de la part de son auteur de créer une œuvre relatant des faits vraisemblables, et non pas de relater des faits réels comme l'historien.

 

Ses relations avec la réalité historique sont donc très variables, au point que le poème épique inclut fréquemment une dimension merveilleuse, son contenu tanguant de l'Histoire au mythe et du mythe à l'Histoire.

 

Parce que le poème épique est principalement destiné à faire l'éloge d'un peuple ou d'un héros national, se devant de surmonter maintes épreuves, guerrières comme intellectuelles, pour atteindre ses objectifs, le poète se permet de nombreux artifices, figures de style, dont l'hyperbole occupe une part importante.

 

Ces ornements confèrent également à l'œuvre plus de vie et constituent tout son caractère poétique.

 

La poésie épique « centrée sur la troisième personne, met fortement à contribution la fonction référentielle » du langage[3] – c'est-à-dire qu'elle peint un monde, des événements (tandis que la poésie lyrique privilégie plutôt l'expression des émotions d'un Je, et que la poésie dramatique met en scène un dialogue, où domine le "tu"), donc que le poète n'y doit pas se mettre en avant, mais au contraire s'effacer devant son récit et les personnages qu'il met en scène.

 

Selon Hegel, qui parle de « Bible d'un peuple », l'épopée a une forte dimension fondatrice. Elle narre un épisode « lié au monde en lui-même total d’une nation ou d’une époque », dont elle constitue « les véritables fondations de la conscience »[]. C'est à ce titre qu'elle se déroule sur un « sol ouvert en lui-même à des conflits entre des nations entières »[].

 

La plus vieille épopée du monde

 

L'œuvre généralement retenue comme étant la plus ancienne épopée a avoir été écrite est intitulée l'Épopée de Gilgamesh. Elle aurait été écrite entre les XVIIIème et XVIIème siècle avant notre ère en akkadien, à partir de récits légendaires sumériens et babyloniens mettant en scène le roi Gilgamesh d'Uruk.

 

L'histoire de cette épopée illustre parfaitement la volonté originelle d'immortaliser des récits oraux en les fixant, puisque des exemplaires en ont été retrouvés traduits en hittite et en hourrite dans un espace particulièrement large regroupant la Mésopotamie, l'Anatolie et la Syrie.

 

Particulièrement longue, l'Épopée de Gilgamesh trouve son origine dans des mythes divers et variés, issus de nations différentes.

 

Si elle se présente davantage comme la quête d'un héros poussé par des intérêts égoïstes, elle revêt un symbolisme très important, présentant peut-être une épopée de tout un chacun, à portée plus universelle que nationale, sous-tendue par une volonté didactique, celle de montrer que l’homme peut puiser en soi une énergie surhumaine, tout en se devant de prendre conscience de ses limites.

 

L’épopée grecque

 

En Grèce antique on attribue à l’aède légendaire Homère deux épopées l’Iliade et l’Odyssée. L'origine de ces deux textes n'est pas certaine : divers récits et anecdotes portant sur le siège de la ville de Troie par les Achéens, colportées par de nombreux aèdes, y auraient été rassemblées, couchées par écrit et rédigées avec soin par Homère, à moins que ce travail n’ait été réalisé ultérieurement, à partir des récits d’Homère lui-même, si même les thèses posant son existence sont fondées.

 

En Grèce antique on attribue à l’aède légendaire Homère deux épopées l’Iliade et l’Odyssée. L'origine de ces deux textes n'est pas certaine : divers récits et anecdotes portant sur le siège de la ville de Troie par les Achéens, colportées par de nombreux aèdes, y auraient été rassemblées, couchées par écrit et rédigées avec soin par Homère, à moins que ce travail n’ait été réalisé ultérieurement, à partir des récits d’Homère lui-même, si même les thèses posant son existence sont fondées.

 

LIliade et l’Odyssée furent pendant des siècles un élément fondamental de la culture grecque. A l'époque classique, l'épopée est pourtant concurrencée par la poésie dramatique. Au IVe siècle, Aristote écrit une Poétique où il compare les deux genres, donnant finalement la prééminence au genre dramatique, et où il en offre une théorisation sommaire.

 

 Il y justifie par exemple l’emploi du "mètre héroïque" (l'hexamètre dactylique) pour l’épopée, qu’il pense le mieux adapté aux objectifs de ce genre. D'après lui, en effet « l'héroïque est le plus posé des mètres et celui qui a le plus d'ampleur: aussi se prête-t-il le mieux aux noms étrangers et aux métaphores, car la poésie narrative est la plus riche de toutes. »

 

L’épopée latine

 

L'épopée acquiert avec sa romanisation un statut tout différent de celui qu'il possédait en Grèce. Si à l'époque grecque classique, l'origine des épopées homériques se perd dans des temps légendaires, à Rome par contre, son origine est bien connue, ses auteurs bien définis et l'influence grecque, donc étrangère, est déterminante.

 

Les écrivains s'adonnant à l'écriture de poèmes épiques sont en effet avant tout des érudits, fin connaisseurs d'une poésie grecque dont ils n'hésitent pas à s'inspirer largement, aussi bien d’un point de vue technique qu’en ce qui touche le fond des textes.

 

La première épopée en latin est en réalité une traduction de l’Odyssée réalisée par un esclave d'origine grecque, Livius Andronicus. Ennius, entreprend de composer un épopée de sujet latin, mais il utilise un vers d'origine grecque, l'hexamètre dactylique.

 

 L'épopée latine se constitue donc en partie par rapport au modèle grec, qui pèse considérablement sur la littérature latine. L’Énéide de Virgile, l'épopée latine la plus célèbre, est le récit du périple d'Énée, ancêtre mythique des romains fuyant Troie assiégée par les grecs.

 

 LÉnéide remplit ainsi une fonction qu'elle partage avec beaucoup d'épopées, celle de donner à un peuple des récits fondateurs. Cependant, l'épopée latine, se distingue radicalement de l'épopée de type homérique : il ne s'agit pas de récits constitués par une tradition mais de textes élaborés par des auteurs connus.

 

A l'image des Géorgiques, l’Énéide reflète également une volonté de dépasser la poésie pour conférer à l’œuvre une visée didactique, une dimension utile. Ainsi, si Virgile y déploie tout son talent poétique, par exemple dans ses variations de style et son excellente maîtrise de l’hexamètre dactylique, il cherche à inculquer aux latins l’amour de leur patrie, du sol natal, des anciennes vertus, par l’exaltation du sacrifice personnel, exprimé au travers des pérégrinations d’un homme qui s’identifie, quel qu’en soit le prix à payer, à sa nation, et lui sacrifie tout.

 

C’est que l’Énéide comme poème national est avant tout le résultat d‘un projet politique, une œuvre de propagande, commandée par Mécène, s’efforçant de légitimer le pouvoir personnel d’Auguste, mais dans laquelle transparaît la foi de son auteur dans la nation romaine, dans l’ère de paix et de stabilité promise par l’empereur.

 

Le succès de l’Énéide, qui bien qu'inachevée fut étudiée par tous les écoliers romains, manifestant bien l'unicité de l'oeuvre, ne sera jamais démenti

 

La  Pharsale de Lucain se distingue très originalement de l’Énéide. Rejetant toute idée de merveilleux, Lucain s'attache à dépeindre des évènements historiques liés à un passé proche, ceux qui se déroulèrent durant la guerre civile qui opposa Jules César à Pompée, à des fins plus esthétiques que réellement historiques.

 

L’épopée indienne

 

Deux poèmes, le Mahâbhârata et le Râmâyana, respectivement d'une longueur de 250.000 et 24.000 vers, n'ont pas manqué d'être comparés à la Bible de par l'influence morale, culturelle et philosophique qu'ils ont exercé sur la civilisation indienne et ce, malgré leur caractère épique.

 

Narrant en effet tous deux des aventures relatives à la mythologie hindoue, et malgré la description de nombreuses batailles et l'emploi de nombre de figures de rhétoriques des plus diverses, ces épopées ont un caractère principalement didactiques.

 

Ainsi, le discours que tient Bhisma sur son lit de mort, comprenant exactement 19 494 versets, ou encore le Bhagavad-Gîtâ (Chant du Bienheureux), long poème philosophique inclus dans le sixième chant du Mahâbhârata, sont-ils des digressions constituant de véritables codes moraux, au fondement de la religion hindoue.

 

La saga scandinave

 

Les sagas sont des récits transmis de génération en génération dans les pays de culture norroise, c’est-à-dire dans les anciens pays vikings, tout particulièrement l’Islande et la Norvège, composés et chantés par les sagnamenn, un équivalent scandinave des bardes gaéliques ou des troubadours et trouvères européens.

 

Elles relatent surtout des faits liés aux voyages et aux guerres menées par les vikings à l’intérieur de leurs territoires aussi bien que par-delà l’océan, dans le Groenland qu’ils furent les premiers à découvrir.

 

Elles se basent donc souvent sur des faits historiques, et même les aventures les plus fictionnelles qui y sont narrées témoignent d’ un souci de vraisemblance marqué Elles furent rédigés en prose entre le XIIe et le XIVe siècles afin d’assurer leur pérennité, alors même que leur nom, à l’étymologie proche des verbe allemand « sagen » et anglais « to say », révèle bien une origine exclusivement orale.

 

 Principalement héroïques, leur personnage principal est souvent une incarnation des vertus nationales, et très mis en valeur, comme le montre ce début commun à nombre de sagas : «Der var en mann ved navn » (Il était un homme nommé… )
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